Eric Chauvier, Laura, Allia, 2020
Par François Lechat.
Alors que c’est la mort qui rôde chez Julia Deck, dans Propriété privée, autre court récit à la première personne dont la fin reste ouverte, c’est l’incendie d’une usine qui menace dans Laura. Mais s’il entretient l’interrogation (Laura et son amoureux transi oseront-ils mettre le feu ?), Eric Chauvier n’en fait pas le centre de son roman. C’est Laura qui importe, avec toute l’ambivalence qu’elle inspire à Vincent, son soupirant. Car Laura, qui lui enflammait déjà les sens au collège, est restée désespérément belle mais, aussi, désespérément province, inculte et vulgaire, alors que Vincent a étudié la philosophie à Paris…
Sur cette trame banale, Eric Chauvier tresse un bel entrelacs de dialogues réalistes et de réminiscences pleines de finesse. C’est que Laura, star du collège et du village, désirée par tous les mâles du coin, a vu se fracasser ses rêves d’ascension sociale par le mariage, et que Vincent a tout enregistré, tout retenu, tout digéré. Le cynisme des puissants, l’humiliation des petites gens, la France des territoires perdus, la rage à l’égard des élites et la damnation des femmes, c’est tout cela qu’évoque Vincent par petites touches incisives alors même que, dans ces longues heures avant l’incendie, il ne rêve que de « conclure ».
Avec Laura, Eric Chauvier réussit le nouage de l’intime et de l’intelligence. Julia Deck avait atteint le même niveau de réussite dans Viviane Elisabeth Fauville, mais elle est moins ambitieuse dans son dernier roman, Propriété privée.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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