Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, Finitude, 2015
Par François Lechat.
J’ai donc lu ce phénomène d’édition, un premier roman paru en province et qui cartonne à la surprise de son propre auteur. A la lecture, on comprend pourquoi : on retrouve chez Bourdeaut ce qui a fait le succès d’Alexandre Jardin, des personnages hauts en couleur qui refusent de vieillir et font de leur vie une fête perpétuelle, vouée à l’amour et à la fantaisie, au rire et à la créativité. Comme le livre est, en plus, remarquablement écrit, avec une foule d’inventions fondées sur le langage, l’imagination ou simplement l’humour (comme ce grand oiseau appelé « Mlle Superfétatoire » car cette compagne de vie « ne sert à rien »), on comprend qu’il ait rencontré son public en ces temps moroses. En outre, la fin est très belle et donne de la profondeur à ce qui n’est, pour le reste, pas davantage qu’un exercice de style. Car c’est là, évidemment, la réserve que l’on peut émettre, outre quelques maladresses que l’éditeur aurait dû supprimer : on jubile à lire ce livre, mais on n’oublie jamais qu’il s’agit de littérature, pas de la vraie vie. A ce titre, ce livre très réussi est typiquement français.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
L’avis de Brigitte Niquet
Je n’ai pas très souvent de coup de coeur, hélas, mais ce livre-ci en est un absolu. Il ne se raconte pas, car ce n’est pas l’histoire qui importe. Ou plutôt si, mais pas au sens où on l’entend généralement.
C’est une histoire d’amour fou, amour fou qui n’a jamais si bien porté son nom comme le dit à juste titre la 4e de couverture. La folie et l’amour s’y côtoient constamment ou plutôt s’y entrelacent étroitement comme les corps des deux amants, une jeune femme qui n’a pas de prénom car elle en change tous les jours et un homme qui semble s’appeler Georges. Plutôt que de vivre leur vie, ils la dansent sur la musique de Mr Bojangles de Nina Simone et sous les yeux tantôt éblouis, tantôt effarés mais toujours adorateurs de leur fils. La jeune femme mène le bal, Georges lui emboîte le pas et dès les premières pages, on a le sentiment d’un tourbillon vertigineux, celui dans lequel nous entraîne la reine des chimères, reine des mensonges, reine des fêtes alcoolisées (Gatsby le magnifique n’est pas loin), si belle, si fantasque et si gracieuse que tout un chacun se laisse prendre à son charme, un vrai charme au sens magique du terme.
Mais voilà. Quelque chose ne tourne pas rond dans sa jolie tête et ce qui pouvait passer pour de délicieuses extravagances d’enfant gâtée la conduit inexorablement à l’hôpital psychiatrique où le verdict tombe : hystérie, bipolarité, schizophrénie, démence… Il faut enfermer cet oiseau de paradis dans une cage hermétique et « la protéger d’elle-même pour protéger les autres ». Bien entendu, ni Georges ni son fils ne l’entendent de cette oreille…
Ce livre est le premier d’Olivier Bourdeaut qui a longtemps hésité avant de se mettre à écrire, écrasé par les grands auteurs dont sa bibliothèque regorge. Cette modestie lui fait honneur, mais on ne doute pas qu’il les rejoindra très vite au Panthéon de la littérature.
Lien : La critique de Pactum Salis (O. Bourdeaut, 2018) par Brigitte Niquet.
J’ai beaucoup aimé, moi aussi, ce livre dont tous les personnages sont attachants et qui laisse devant une question fondamentale, celle du conformisme et des limites qu’il faut lui donner pour être heureux.
Signalons quand même que certains lecteurs (je ne parle pas de moi) ont profondément détesté ce livre, reprochant à l’auteur de faire passer la maladie mentale pour une plaisanterie amusant l’entourage du malade, ce qu’elle n’est assurément pas. Mais reconnaissons à l’auteur le droit absolu d’avoir voulu nous faire passer un bon moment de lecture…
Je ne sais pas si l’auteur a d’abord voulu nous faire passer un bon moment de lecture. Je pense qu’il a voulu montrer une certaine façon de prendre les choses quand on a un conjoint qui dysjoncte, un esprit « artiste », peut-être, si je peux dire ça comme ça ; et la naïveté d’un enfant qui ne peut avoir aucune idée de la pièce dans laquelle il joue et s’y adapte, parce que c’est comme ça que ça se passe pour les enfants. Si le père disparaît à la fin, ne pouvant vivre sans sa femme, c’est que l’amour était puissant et non que cet homme s’amusait simplement de l’état mental de sa femme. Il avait décidé de la laisser être ce qu’elle était et je trouve ça beau.
Mais je parle de mémoire lointaine puisqu’il y a des années que j’ai lu le livre. Voilà en tout cas le souvenir qu’il m’en est resté.
Cath.