Donal Ryan, Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe, Albin Michel, 2017
Par François Lechat.
Il ne lui manque que quelques neurones, à Johnsey, rien de plus. Juste ceux qui lui permettraient de comprendre les mots un peu abstraits, de savoir remplir un formulaire, de se débrouiller dans toutes les petites complications de la vie d’aujourd’hui. Mais voilà, s’il sent et ressent tout, il est tétanisé quand il doit former une phrase et il est incapable de vivre tout à fait seul, sans aide. C’est une des raisons pour lesquelles il aime tant ses parents, des personnes adorables qui l’ont toujours protégé. C’est donc le drame, une fois qu’il se retrouve orphelin, mais il fait courageusement face. Alors que tout le monde le presse de vendre sa maison et ses terres, dans ce petit village irlandais où il vit, il décide de rester par fidélité à ses parents, aidé en cela par un couple d’amis plus âgés. Mais il est le souffre-douleur des voyous du coin, et puis toute la communauté fait pression sur lui pour l’amener à vendre. C’est que ce roman, qui dévide la vie de Johnsey au fil des mois et des saisons, en contact sensuel avec la nature, fait aussi intervenir des passions urbaines, la spéculation immobilière et le jeu trouble des journaux à sensation. Johnsey ne pourra résister qu’à l’aide de deux marginaux comme lui, un mythomane chaleureux rencontré sur un lit d’hôpital et Siobhàn, l’envoûtante infirmière qui, entre affection et espièglerie, lui apportera quelques éclairs de plaisir. Le grand talent de Donal Ryan, dans ce livre qu’on n’a pas envie de lâcher, est d’éviter tout misérabilisme : il rend la voix intérieure de Johnsey, ses angoisses, ses émois et l’incapacité sur laquelle il bute, dans un langage tout en finesse, formant de jolies phrases pour nous faire comprendre ce que Johnsey ne parvient pas à se dire à lui-même.
Catégorie : Littérature étrangère anglophone (Irlande). Traduction : Marina Boraso.
Liens : chez l’éditeur.
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