Les filles de Roanoke

Amy Engel, Les filles de Roanoke, Autrement, 2017

Par Brigitte Niquet.

Dans le genre « Nœud de vipères », voici un thriller qui bat tous les records. Ce n’est pas vraiment de la grande littérature, mais c’est drôlement addictif.

Nous sommes au Kansas, dans une vaste demeure écrasée de soleil, où vit la « tribu » des Roanoke ou ce qu’il en reste, puisqu’une étrange malédiction semble peser sur elle : la précédente génération, Jane, Sophia, Penelope, Eleanor, Camilla, Emmeline, Lillian, a connu une véritable hécatombe ; dans la fournée suivante, on ne dénombre que deux cousines : Allegra, l’aînée, qui vient de disparaître et c’est justement ce qui a fait revenir Lane, la benjamine, la seule qui avait eu le courage de fuir dix ans plus tôt et qui refait surface pour découvrir ce qui est arrivé à sa cousine, qu’elle se reproche d’avoir abandonnée et laissée prisonnière du maléfice. Tiens, au fait, il n’y a que des filles dans cette famille ? Bizarre, bizarre… Mais non, tout ce joli monde a vécu et vit sous la coupe apparemment débonnaire du patriarche Yates, dit « Papi », qui a adoré ses filles tout autant qu’il adore maintenant ses petites-filles. Nous n’en dirons pas plus, bien qu’il n’y ait pas de secret à préserver ni de suspense à ne pas déflorer car l’auteur s’en charge elle-même dès le début. Nous sommes clairement « Dans le jardin de l’ogre ». Dommage que le titre ait été déjà pris.

Peu ou pas de suspense, donc, dans de ce thriller. Alors, qu’est-ce qui tient le lecteur en haleine pendant 350 pages ? Sans doute, outre le mystère maintenu jusqu’à la fin sur le sort d’Allegra, la psychologie complexe des personnages et le fait que, même quand ils se roulent dans la fange, ils le font avec une sorte de naïveté d’avant la faute originelle qui finit par attirer malgré tout la sympathie ou au moins l’empathie du lecteur. L’originalité de la construction aussi, qui alterne les chapitres sur « l’alors » (avant le départ de Lane) et le « maintenant » (après son retour), le tout saupoudré de courtes pages éclairant le destin tragique de chaque fille de la génération précédente. Et encore le désir de savoir quel rôle exactement a joué et joue dans tout cela « Mamie », l’épouse de Yates, ce que nous n’apprendrons aussi qu’à la toute fin.

Quant au style, il oscille entre la crudité, voire la vulgarité, des nombreuses scènes de sexe et de beuverie, et le romantisme, voire le lyrisme, de certains passages – parfois les mêmes, tant l’amour peut revêtir d’aspects contradictoires, inextricablement enchevêtrés. C’est ce qui fait l’originalité de ce livre, mais peut aussi rebuter certains lecteurs. Les autres se régaleront car si tout cela semble tellement outrancier que c’en est peu crédible, on se laisse prendre au jeu et l’on souhaite ardemment que Lane, peut-être, Lane au moins…

Bonne lecture !

Catégorie : Littérature étrangère. Traduit de l’anglais par Mireille Vignol.

Liens : chez l’éditeur.

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