Emily Barnett, Les Oiseaux de passage, Flammarion, 2019
Par Brigitte Niquet.
Novembre 2015, les attentats qui ont ensanglanté le Bataclan et les terrasses de café avoisinantes viennent de se produire. Juliette, qui passait là par hasard, et Paul, qui en a réchappé de justesse, se rencontrent alors qu’ils ne se sont pas vus depuis 20 ans. Ils appartenaient à la même bande d’ « amis pour la vie », dont la cohésion n’a pas résisté au suicide resté inexpliqué de leur leader en jupon, la charismatique Diane. Paul, qui fut son amant, et Juliette, sa meilleure amie, n’ont d’abord pas la moindre envie de remuer le passé mais la nostalgie est la plus forte… La nostalgie et le besoin de comprendre ce qui est resté un mystère vingt ans plus tôt. Ils passeront la nuit à évoquer le fantôme de Diane, se disputeront, riront ensemble comme autrefois, pleureront aussi et se quitteront au matin, tristes et désabusés. Ils n’auront pas élucidé les causes de la mort de Diane, mais outre les souvenirs et les regrets qui « se ramassent à la pelle », comme disait Prévert, cette évocation de leur jeunesse aura remis quelques pendules à l’heure, surtout pour Juliette, prise tardivement d’une grande colère face à ce gâchis qu’a été leur vie jusqu’ici, face à leur incapacité à comprendre ce qui a tué Diane mais aussi à prévoir ou seulement à voir l’évolution de notre société, la menace omniprésente du sida, la montée du terrorisme, le repliement sur le « chacun pour soi » etc., la liste n’est pas exhaustive : « la seule chose que la société occidentale nous a apprise, c’est l’art de détourner les yeux ». En resteront-ils à ce constat : « La vie est partie, nous laissant seuls face aux décombres de notre jeunesse envolée » ? ou la brutalité des attentats leur aura-t-elle servi de révélateur et les aidera-t-elle à donner le coup de pied salvateur qui les fera remonter à la surface du marais où ils s’enlisaient ? L’auteure ne prend pas parti, elle suggère seulement et c’est une de ses grandes qualités. Bien qu’il ne s’y passe pas grand-chose à proprement parler, ce livre est très prenant : comme dans la tragédie classique, la « règle des trois unités » (action, temps, lieu) est respectée, ce qui ne contribue pas peu à sa réussite et à l’impact qu’il a sur le lecteur : beaucoup avouent avoir été « scotchés » et l’avoir lu d’une seule traite.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
Attention : plusieurs livres et films portent le même titre mais n’ont rien à voir avec le roman d’Emily Barnett.
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