
Alain Mabanckou, Les cigognes sont immortelles, Seuil, 2018 (existe en Points)
— Par Catherine Chahnazarian
Après avoir refermé le livre, je reste toute imprégnée des émotions de Michel, son narrateur, de son regard décalé d’enfant d’onze ou douze ans, trop jeune pour bien comprendre ce qui se passe autour de lui, empêtré dans ce dont on lui a bourré le crâne en classe, les croyances de sa culture, les avis de son père, ceux de sa mère et les raisonnements abscons de son âge. Son langage est savoureux et sa naïveté touchante, tandis que se déroulent dans son pays, le Congo-Brazzaville, des événements graves. Il y a quelque chose, dans ce jeune personnage, du Momo de La vie devant soi, dont Florence nous a récemment rappelé l’existence : spontanéité, sincérité, et puis cette volonté de raisonner, assise sur des savoirs incertains mais sur une culture bien ancrée – qu’Alain Mabanckou nous fait découvrir avec malice. Il nous fait parcourir l’histoire politique de l’Afrique du milieu du XXe siècle aussi bien qu’il nous plonge dans les petits événements qui font le quotidien de Michel dans un quartier populaire de Pointe-Noire, et les grands événements qui perturbent sa famille et font le malheur de son pays. Cela sent aussi fort la morue à la sauce d’arachide que la peur des soldats. Et Michel évolue au milieu d’une galerie de portraits haute en couleurs, à commencer par sa mère, une femme indépendante et entière. Enfin, Mabanckou joue gentiment avec nos nerfs : un suspense monte discrètement en puissance pour finir par nous tarauder — jusqu’à la fin du livre.
Un excellent roman, dépaysant, réflexif et attachant.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur ; au Point ; brève et efficace interview de l’auteur ; le site officiel d’Alain Mabanckou.
Votre commentaire